Législatives /Résultats : « Le mot +mascarade+ est un terme vague et imprécis, une expression fourre-tout et passe-partout » (Gilbert Bawara)

Les togolais se sont rendus aux urnes jeudi dernier pour renouveler pour la quatrième fois, leur Parlement depuis le début du processus démocratique en 1990. Le scrutin s’est déroulé dans le calme, avec une forte participation des électeurs, ont affirmé les rapports des différentes missions d’observation électorales. Selon les résultats provisoires publiés dimanche soir par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), l’Union pour la République (UNIR, le parti au pouvoir) a raflé 62 des 91 sièges contre 19 pour le Collectif « Sauvons le Togo » (CST). La Coalition « Arc-en-ciel » a remporté 6 sièges, l’Union des Forces Changement (UFC) 3 sièges et Sursaut national, un seul siège. Le CST rejette catégoriquement ces résultats qu’il qualifie de « mascarade électorale ». La Coalition a de son côté, dénoncé un « scrutin truqué ».

Pour Gilbert Bawara, ministre de l’administration territoriale dans une interview exclusive à l’Agence Savoir News, le mot +mascarade+ est un « terme vague et imprécis, une expression fourre-tout et passe-partout ».

« Comme ailleurs en Afrique, on constate bien qu’au Togo, lorsque des partis politiques ou des candidats perdent les élections, ils parlent de mascarade d’élections », a-t-il souligné.

Savoir News: Quelles sont vos premières impressions?

Gilbert Bawara: C’est un sentiment de soulagement, de satisfaction et de fierté. Sentiment de soulagement, compte tenu du climat de tension, des crispations et de l’incertitude qui régnaient à la veille de ces élections. Mais grâce à l’esprit d’ouverture, de dialogue et d’apaisement et grâce au sens du compromis dans le cadre des échanges ayant impliqué le Collectif Sauvons le Togo, la Coalition « Arc-en-ciel » et le gouvernement autour de Mgr Nicodème Barrigah en présence de partenaires extérieurs notamment l’Ambassadeur des Etats-Unis, nous sommes parvenus à décrisper le climat politique, à engager des mesures d’apaisement et à obtenir un consensus sur les conditions d’organisation des élections. Ainsi, la campagne électorale et les opérations de vote se sont déroulées dans un climat apaisé et dans une atmosphère de sérénité, sans violence et sans incidents sérieux hormis les heurts entre militants et les cortèges de campagnes des partis et des candidats. Il faut aussi se féliciter du comportement très mature du peuple togolais, de la contribution des partis politiques, des candidats, de la société civile et des médias qui ont globalement fait preuve de pondération et de responsabilité. Par ailleurs l’ensemble des mesures législatives et pratiques mises en œuvre par le gouvernement a permis d’assurer des élections ouvertes, fiables, transparentes et crédibles. Les candidats ont eu la possibilité de sillonner le pays, de mener campagne sans entraves ni restrictions. Il est vrai que le jour du scrutin il y a eu, dans certains endroits limités, une ouverture tardive des bureaux de vote compensée cependant par la prolongation de l’heure de la clôture. On aussi constaté une insuffisance de matériel électoral dans d’autres bureaux et un peu de tâtonnement de la part des membres de bureaux de vote. Mais le processus s’est bien déroulé et les mesures de renforcement de la transparence des procédures de collecte, de transmission et de remontée des résultats ont fonctionné convenablement. Nous pouvons en être collectivement fiers.

Q: L’opposition notamment le CST dénonce déjà une « mascarade électorale ». Qu’en dites-vous?

R: Déjà le mot « mascarade » est un terme vague et imprécis, une expression fourre-tout et passe-partout. Comme ailleurs en Afrique, on constate bien qu’au Togo, lorsque des partis politiques ou des candidats perdent les élections, ils parlent de mascarade d’élections. En revanche, il serait intéressant de voir les griefs et les reproches précis et concrets que le CST ou certains candidats auraient à formuler contre le processus électoral. Par exemple, on nous parle de transport d’urnes bourrées dans un quartier de Lomé, mais tous les Togolais savent que le CST n’aurait pas hésité à ameuter ses militants, à alerter les médias et à interpeller les observateurs nationaux et internationaux pour être témoins d’éventuels méfaits, surtout lorsqu’ils ont été capables d’inventer de toutes pièces des rumeurs concernant des bureaux de vote fictifs ou parallèle en se prévalant des chiffres fantaisistes, en s’appuyant sur un CD qui leur avait été envoyé au lendemain du recensement électoral, alors qu’ils avaient participé aux réunions du comité de suivi et savaient la vérité. Ils savaient que le nombre de bureaux de vote avait évolué considérablement. Je vous le confirme: ils le savaient avec précision. Ils n’ont pas hésité à travers une radio à dire qu’il y avait des votes au domicile d’un chef de quartier à Nyikonapkoè pour s’excuser par après. Ces mêmes personnes n’ont pas hésité, au lendemain du recensement électoral à dire aux togolais que des étrangers, des mineurs, des Peuhls nomades etc… , s’étaient fait enrôler. Mais lorsqu’est venue la phase des recours sur le contentieux des inscriptions sur les listes électorales, ils n’ont pas exhibé un seul endroit où il y aurait eu une inscription frauduleuse ou irrégulière. C’est pour dire qu’on est familier de leurs contestations infondées. Si des candidats ont des griefs et des reproches, qu’ils utilisent les moyens de droit qui sont disponibles. Et qu’ils apportent les preuves.

Q: Mais ils disent n’avoir pas confiance à la Cour constitutionnelle.

R: Ils ne font pas confiance à la Cour constitutionnelle ; ils ne font pas confiance au gouvernement; ils ne font pas confiance aux togolais et aux votes des togolais ; ils ne font pas confiance à la communauté internationale et aux observateurs nationaux et internationaux. Alors, à qui ils font confiance, si ce n’est qu’à eux-mêmes. Ceci pose un réel problème. S’ils continuent à s’enfermer dans leur jusqu’au-boutisme et la logique de la contestation systématique au lieu d’ouvrir les yeux et analyser le vote et le message des Togolais, je crains qu’ils n’aient à affronter des lendemains qui déchantent. Oui, il y a encore beaucoup de besoins et des attentes des populations qui n’ont pas été satisfaits. Même ceux qui ont gagné n’ont pas intérêt à s’enfermer dans l’autosatisfaction. A travers résultats, les togolais ont voulu à la fois dire qu’il faut préserver les acquis et aller de l’avant pour opérer des progrès et des amélioration dans tout ce qui a été déjà fait. Et surtout, il faut le faire dans un esprit d’ouverture en cherchant à travailler ensemble.

Q: 62 sièges, c’est pas beaucoup pour un parti qui vient à peine de naître? Alors que le RPT (le plus vieux parti) avait obtenu 50 sièges en 2007?

R: Non. Je ne vais pas faire injure aux togolais d’avoir adhéré et soutenu massivement la vision de UNIR. Tout le monde sait aujourd’hui, la vision du parti UNIR: c’est la volonté d’ouverture, c’est l’instauration d’une démocratie interne au sein du parti, c’est le renouvellement de la classe dirigeante tout en cherchant à s’appuyer sur l’expérience et la compétence des aînés. C’est de faire en sorte qu’on puisse dépasser toutes les formes d’antagonismes et de clivages (d’ordre régionaliste ou ethnocentriste), c’est de mettre l’accent sur le développement économique, la prospérité et le bien-être de la population. Ce message a été entendu et bien compris par les togolais. Si vous regardez bien les résultats, le fief du parti UNIR, est désormais la région des Plateaux. Je ne suis pas sûr qu’avant les élections, un journaliste ou un spécialiste de la politique togolais aurait imaginé cette nouvelle donne. Vous avez aussi vu la percée de l’UNIR dans la région Maritime et également de certains responsables du CST et de la Coalition arc-en-ciel dans la région des Savanes et de la Kara. Ce qui montre que ceux qui avaient décidé depuis longtemps d’être auprès des populations, d’être sur le terrain pour se faire connaître des populations en expliquant leurs idées, ont eu gain de cause. Je ne crois pas que cette victoire soit pléthorique à partir du moment où c’est la validation d’un projet fondé sur l’ouverture, la nécessité de rassembler les compétences, les expériences et le savoir-faire des Togolais au service d’un but commun: la réconciliation nationale, la reconstruction économique du pays, le développement économique, la prospérité et le bien-être pour tous. Chacun doit aussi s’interroger sur ses modes et ses méthodes d’action. Est-ce que Lomé représente tout le pays? Est-ce que ce qu’on peut faire à Lomé vaut nécessairement pour l’ensemble du pays? Est-ce qu’on a raison de parler au nom des togolais à leur place ?

Q: Quelles leçons tirez-vous de ces élections? (en deux phrases)

R: Le Togo avance dans la démocratie, dans l’édification de l’Etat de droit et en matière d’organisation d’élections transparentes, fiables, sincères et crédibles. Le Togo réunit les conditions pour préserver la paix et la stabilité. Notre pays réunit les conditions pour aller plus loin dans son développement économique et social. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

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