Festival « Plumes Francophones »: « Nous pouvons dire que le bilan est positif » (Cyriaque Noussouglo)

Démarrée le 15 mars, la troisième édition du Festival international « Plumes Francophones » a fermé ses portes samedi dernier. Placée sous le thème : « création togolaises et mondialisation », cette édition s’est déroulée dans les villages de Fongbé (situé à environ 15 Km de Tsévié) et Kouma-Konda à Kpalimé (environ 120 Km au nord de Lomé).

Une vingtaine d’auteurs dont 14 togolais sont invités, étaient à ce Festival. Parmi ces invités : Sophie Ekoué de Rfi (Aux noms de la vie : histoires de prénoms africains), Jacques Sewanou Dabla, professeur d’Université en France (La littérature africaine à la croisée des chemins/L’éternité mythique) et l’ancien Premier ministre togolais Joseph Koffigoh (La Passion des Eperviers, poésie). L’Agence Savoir News s’est rapprochée de Cyriaque Noussouglo, Directeur dudit festival.

Savoir News : Les rideaux sont tombés depuis le 23 mars sur le festival « Plumes francophones ». Que retenir de cette édition ?

Cyriaque Noussouglo: C’est pour la première fois que notre festival fait le bilan sur les créations togolaises à l’heure de la mondialisation. Cela nous a permis de nous questionner sur la place de l’art dans la société togolaise, l’orientation même de la littérature, la présence des femmes dans la poésie et les arts visuels dans notre société et comment faire la promotion des galeries. Nous pouvons dire que le bilan est positif, parce que, s’interroger n’est pas forcément répondre, mais voir les problèmes qu’il y a et essayer de voir progressivement comment on peut remédier aux problèmes.

Savoir News : « S’interroger sur les problèmes et essayer de trouver des solutions », mais quels sont les réels problèmes que vous avez décelé ?

Cyriaque Noussouglo:

Des problèmes qui sont apparus, c’est que, on s’est rendu compte qu’il n’y a pas de marché d’arts au Togo. Depuis que le pays existe, les plasticiens, les créateurs n’ont pas réussi à percer le marché international. Quand je dis percer le marché international, je veux dire par là qu’ils ont percé le marché, mais ils n’ont pas su se positionner sur le marché de l’art, ce qui est différent. Car être sur le marché de l’art rend le créateur beaucoup plus connu.

Si on vous dit qu’un grand d’artiste comme Paul Ayi n’a jamais réussi à se positionner sur le marché de l’art, vous voyez que, cela vous rend triste.

Maintenant, comment faire pour que les créateurs togolais aussi soient performants sur le plan de la qualité, c’est un travail à creuser. Au niveau de la littérature aussi, la question est de savoir où va la littérature ? On se rend compte qu’il n’y a pas d’histoires de la littérature togolaise et il n’y a pas beaucoup d’écrits critiques pour faire évoluer le secteur des arts et le secteur de la littérature.

Donc, on voit que, c’est un besoin. Est-ce qu’il y a des canaux à la poésie togolaise, des livres etc… sur les arts et la littérature au Togo. Tout ce travail est à faire. C’est pour cela que je dis qu’au moins, on a eu le mérite de voir là où il faut creuser et puis on va aller dans cette direction.

Savoir News : Quelle a été la particularité de cette 3e édition?

Cyriaque Noussouglo : D’abord, c’est la thématique: « création togolaise et mondialisation ». Ensuite, le fait de nous intéresser à près d’une quarantaine d’auteurs et d’artistes. C’est la première fois que le festival s’intéresse à autant d’auteurs, parce que par le passé, on n’avait au plus une dizaine.

La particularité aussi, c’est que nous avons voulu en faire une édition de maturité dont l’écho devait être très grand au niveau de la population. Nous avons réussi de ce côté-là aussi.

Nous avons lors de cette édition, lancé une radio particulière « Plumes francophones, le rendez-vous » que Sophie Ekoué de Radio France Internationale (RFI) est venue nous monter. Ce qui nous a permis aussi de faire un travail au niveau même de la présence des auteurs sur les ondes, parce qu’on se rend compte que les auteurs ne sont pas suffisamment sur la Télévision ou la radio. Avec cette radio, les gens sont allés questionner les auteurs, leurs livres étaient décortiqués. Je trouve que, c’est une bonne chose. Et puis, nous avons fait une grande part aux jeunes créateurs à la sculpture de sable qui est une sorte de phénomène pas connu en invitant Bob ATISSO et en produisant pour la première fois, Augustin Agbodja dans un cabinet d’avocat. Nous sommes restés en plein dans la promotion de la littérature, des arts et je crois que, tout cela est positif.

Savoir News : L’objectif de « Plumes Francophones », c’est le rayonnement de la langue française. Mais de nos jours, nombreux sont ces jeunes qui émettent un petit « regret » après les études dans les universités, parce que, n’ayant pas su vite faire leurs études en anglais, en chinois. Qu’est-ce que vous leur répondrez?

Cyriaque Noussouglo: La thématique de cette quinzaine de la francophonie, c’est que « le français est une chance ». Il y a une chanson qui disait qu’on ne choisit pas son pays, ni ses parents et on ne choisit même pas les camarades avec lesquels on va faire ses études. Mais on choisit sa femme, on choisit ses amis. Tous ceux qui parlent français ont été confinés dans cet espace et dans une histoire. Nous sommes le fruit d’une géographie et de l’histoire. Je ne vois pas pourquoi nous allons le regretter. Maintenant, la porte est ouverte. Celui qui a fait ses études en français, peut se performer en chinois ou en anglais.

Mais, d’abord qu’est-ce que c’est que le français ? C’est une langue que nous avons héritée et dont nous sommes fiers. Si vous prenez un pays comme le Togo qui a près d’une cinquantaine de langues, si nous n’avons pas le français, nous ne pourrions pas être compris des autres togolais. Moi, je ne vois pas là où il faut avoir du regret.

On ne refuse à personne d’aller faire des études en anglais et d’ouvrir son monde. Le monde francophone a sa civilisation, ses richesses etc, et on découvre autant aussi en allant vers l’anglais. C’est vrai qu’il y a beaucoup plus de locuteurs en anglais qu’il y en a en français, mais, le français est une belle langue et je ne vois pas pourquoi on doit regretter de parler français

Savoir News : Est-ce que l’engouement suscité par la littérature africaine francophone au sein des populations reste toujours le même aujourd’hui ?

Cyriaque Noussouglo: Moi je veux prendre la société togolaise. Cette société a évolué négativement en tournant le dos aux préoccupations liées à la littérature. Lorsque nous, on était à l’école, on avait vraiment beaucoup d’engouement pour la littérature. Tel n’est pas le cas pour nos jeunes frères d’aujourd’hui. C’est pour cela que ce festival est créé pour pouvoir faire face à un tel défi : comment faire pour que les jeunes puissent renouer avec la littérature. Il y a beaucoup plus d’auteurs qu’il y en avait dans les pays francophones et ses auteurs sont aussi en phase. La littérature brasse les préoccupations d’époques et ce sont les préoccupations de notre époque. On a une littérature plus riche en adéquation avec notre époque, avec les interrogations de notre société. Je trouve que les jeunes doivent fréquenter les auteurs pour pouvoir comprendre leurs époques, comprendre le monde intellectuel et évoluer par eux-mêmes. Nous invitons les jeunes à s’adonner à la littérature, aux arts parce qu’il y a des joies certaines, des fruits certains pour leur intelligence et leur esprit. FIN

Propos recueillis par Lambert ATISSO

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