Épiphane Yao (Pasteur des drogués) : « Environ 6.366 usagers de drogues dont 2.118 filles vivent dans les ghettos » à Lomé et ses environs

Environ 6.366 usagers de drogues dont 2.118 filles vivent dans les ghettos à Lomé et ses environs, a indiqué Pasteur Épiphane Yao. Surnommé +Pasteur des drogués+, Épiphane Yao est le président de l’Ong Action d’Aide et d’Appui pour la Réhabilitation des Drogués (ACAARD) et secrétaire national des associations et organisation anti-drogue.

Cet enseignant de profession s’est donné une mission : sensibiliser et prêcher dans les ghettos.

« C’est la mission que Dieu m’a assignée et je ne saurai vraiment l’expliquer.
Quand je suis avec les personnes addictes, je suis à l’aise (…) », a affirmé Pasteur Épiphane Yao dans une interview à l’Agence Savoir News.

Savoir News : Depuis combien de temps menez-vous cette activité ?

Yao Épiphane :

Nous avons commencé en 1987. Donc, cela fait déjà 18 ans que nous sommes aux côtés des personnes addictes à l’alcool et aux drogues. Nous allons singulièrement dans les ghettos (lieu d’habitation des usagers de drogue) où nous essayons de leur parler des méfaits de la drogue, nous essayons de les sensibiliser et de les conscientiser afin de les amener à quitter les ghettos qui sont des milieux insalubres non indiqués.

Q : pourquoi avez-vous choisi cette option ?

R : Je suis enseignant, et un enseignant est aussi sensibilisateur. Mais, c’est aussi la mission que Dieu m’a assignée et je ne saurai vraiment l’expliquer. Quand je suis avec les personnes addictes, je suis à l’aise, ils m’appellent +papa+.

Q : Combien sont-ils, vos +protégés+ ?

R :

Ils sont 6.366 usagers de drogues dont 2.118 filles dans les ghettos. Nous avons 387 enfants dont 46 orphelins de père et de mère dans les 41 ghettos de Lomé et ses environs. Parmi ces enfants, certains ont leurs parents dans les ghettos.

Q : Comment avez-vous pu percer ce milieu aussi dangereux ?

R : C’est une mission, un appel divin. Quand c’est Dieu qui appelle, il met les moyens. C’était le 04 mars 1997, quand je me suis levé très tôt aux alentours de 4h 30mn, j’ai découvert le premier ghetto à Kodjoviakopé. Ils étaient là, le ghetto s’appelle Ricardo. Ils fumaient.

Je suis rentré dans le ghetto. Il y avait eu un remue-ménage, car pour eux j’étais un agent de renseignement. Mais j’ai chanté avec eux des chœurs chrétiens, et ils avaient dit: notre pasteur est là ! Et, à partir de ce ghettos, eux-mêmes ils m’ont dit : pasteur il n’y a pas que ce ghetto, il y en a encore ailleurs! Et quand vous leur donnez 200F, 300F pour leur dose, ils vous montrent les autres ghettos.

Et c’est comme cela que j’ai découvert les 40 autres ghettos de Lomé et ses banlieues.

Q : Comment menez-vous le travail sur le terrain ?

R : Je suis seul, aidé par ma femme. Quand j’ai commencé, elle avait peur. Mais, à partir de 2001, elle aussi s’y est impliquée. Elle va sur les chaînes de radio pour parler de la drogue.

Elle est la mère de ces 387 enfants qui vivent dans ces ghettos. On les prend en charge. Nous avons placé (compte tenu de nos modestes moyens) 5 orphelins dans le centre de réhabilitation et de réinsertion sociale des usagers de drogue à Bagbé

Q : N’éprouvez-vous pas de difficultés, il n’y pas de risques ?

R : C’est des gens imprévisibles. J’ai encore des cicatrices des blessures : ce sont des gens qui ont des moments de lucidité, mais qui après tombent dans des crises de surmenage. Et quand cela arrive, ils peuvent vous blesser.

Je me rappelle qu’en 2010, on a voulu m’ôter la vie dans le ghetto de  » Félihomè » à Bè, n’eût été la grâce de Dieu je ne serai pas en train de vous parler actuellement. Ils m’avaient assommé et l’un d’entre eux voulait m’éventrer quand un autre (paix à son âme) est venu par derrière lui arracher le couteau. Je n’ai eu la vie sauve qu’en prenant mes jambes au cou. Mais après j’ai continué par aller. J’ai beau voulu arrêter, mais l’Esprit Saint me saisit et me dit : +va +.

Et comme c’est Dieu qui le fait, je vous dis qu’aujourd’hui, c’est 227 usagers de drogue qui ont connu ce qu’on appelle sevrage, confirmé par des médecins, et ils sont réhabilités : il y a un qui travaille à la banque, des enseignants, des conducteurs de taxi moto, des menuisiers, des coiffeurs, etc. Quand je vois tout ça, ça me réjouis et je continue.

Q : Bénéficiez-vous d’une aide quelconque ?

R : Non, aucune aide. Seulement des bonnes volontés, notamment les parents de ces usagers qui me viennent en aide. Mais au niveau des institutions étatiques, le gouvernement, pour le moment rien. FIN

Propos recueillis par Ambroisine MEMEDE

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