Bassabi Kagbara : « Si le pouvoir refuse de tenir un dialogue sur les reformes, le dialogue avant les locales s’impose à lui »

Jean Pierre Fabre, président de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, principal parti de l’opposition) avait adressé mi-février, un courrier au chef de l’Etat, lui demandant de convoquer un dialogue en vue des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Mercredi dernier, Faure Gnassingbé lui a répondu, précisant que ces réformes se feront à l’Assemblée nationale. La réponse du chef de l’Etat fait couler beaucoup d’encre et de salive dans le rang de certains partis politiques de l’opposition.

Pour Bassabi Kagbara, président et coordinateur général de la Coalition « Arc-en-ciel », la réponse du chef de l’Etat est « tout simplement, une fuite en avant ».

« Dans le contexte actuel, le rôle du parlement consisterait à légiférer les accords auxquels seront parvenus les différents acteurs aux termes des négociations. Les discussions politiques sont guidées par le principe du consensus alors qu’au parlement les décisions sont prises par le vote », a-t-il souligné.

M.Kagbara a également abordé d’autres sujets notamment l’union de l’opposition et les locales.

Question : La semaine dernière en réaction au courrier du président de l’Anc où il demande l’ouverture d’un dialogue sur les reformes constitutionnelles et institutionnelles, le président de la République répond que c’est au parlement que doivent se mener les discussions sur ces reformes. Que pensez- vous de la réponse du chef de l’Etat ?

Bassabi Kagbara : Je pense que c’est une fuite en avant tout simplement. Dans le contexte actuel, le rôle du parlement consisterait à légiférer les accords auxquels seront parvenus les différents acteurs aux termes des négociations. Les discussions politiques sont guidées par le principe du consensus alors qu’au parlement les décisions sont prises par le vote. La question des reformes est trop importante pour qu’on la règle de façon mécanique. Ceci dit, envoyer les discussions sur les reformes au parlement revient à conclure que le pouvoir +Unir+ n’est prêt à rien concéder, puisqu’il contrôle à lui seul les 2/3 du parlement. C’est bien dommage pour notre démocratie. La réponse du Chef de l’Etat constitue en outre une trahison de la promesse que nous nous sommes faites durant les dialogues des 11 et 12 juillet 2013 à la veille des législatives.

Il se souvient que les différentes parties avaient alors convenu de reprendre le dialogue sur les autres points de discorde après les législatives. Le pouvoir vient donc de faire volte-face avec ce courrier réponse du chef de l’Etat et c’est bien dommage. Peut-être que le pouvoir se prépare à décider lui-même de la limitation du mandat présidentiel avec effet immédiat et du retour au scrutin à deux tours. Dans tous les cas de figure nous apprécierons au niveau d’Arc-en-ciel.

Dans une série de sorties que des députés membres du CST ont faites la semaine dernière, on retient que le Collectif n’est pas prêt à faire candidature unique avec qui que ce soit. Que suscite cette nouvelle posture du CST au sein d’Arc-en-ciel quand on sait que votre regroupement s’est fait le porte-voix de l’appel à l’union de l’opposition et à des candidatures communes pour les locales et la présidentielle ?

La candidature unique de l’opposition est un idéal. Ce n’est une contrainte imposée à qui que ce soit. Le principe vise juste à unir le plus de voix possible pour affronter le candidat du pouvoir qui sera seul contre tous. Puisque jusqu’à preuve du contraire, le scrutin en règle jusqu’à ce jour est uninominal à un (1) tour. Mais qu’à cela ne tienne ! L’opposition peut du moins s’unir pour obtenir les deux tours. Je crois là du moins que l’union s’impose pour réclamer et obtenir ce qui peut nous unir sans équivoque.

Lors de la dernière sortie d’Arc-en-ciel, vous réclamiez les locales pour juin prochain. Croyez-vous que ce sera possible ?

La question n’est pas d’y croire ou ne pas y croire. Le Togo est le seul pays de la sous-région qui n’organise pas d’élections locales jusqu’à ce jour. Cela sous-entend que nous sommes les derniers en démocratie et en bonne gouvernance dans la sous-région. Et c’est bien dommage !

Comment réagiriez vous si les locales ne se tenaient pas cette année ?

Il n’y a pas de raison qu’elles ne se tiennent pas cette année. Il n’y a rien qui empêche si ce n’est que de la mauvaise volonté du pouvoir à organiser ces élections. Si le pouvoir s’obstine à jouer encore au cache-cache, nous avons plusieurs moyens de pression et ce ne sera plus l’opposition seule cette fois. Les populations elles-mêmes seront appelées à défendre leurs droits.

Le pouvoir estime qu’il y a encore d’énormes défis à relever dans le domaine de la décentralisation pour justifier le retard, comment appréciez vous ce raisonnement ?

Ce ne sont que des alibis. Cela fait déjà 7 ans qu’on parle de ce vide juridique. Et à ce que je sache, l’essentiel est déjà fait. Les détails qui restent et que le ministre de l’administration brandit comme arguments pour s’échapper peuvent être réglés rapidement. Je le dis une fois encore, c’est une question de volonté tout simplement.

Etes-vous prêt à y participer sans dialogue ?

On ne saurait organiser ces élections sans un dialogue préalable. Le ministère de l’administration le sait. C’est pourquoi il a posé des pas tout dernièrement dans ce sens. Il faut qu’ensemble on convienne du statut à donner à certaines localités puisque le pouvoir a trainé jusque-là pour le faire. Seulement c’est dans le rythme imprimé qu’il y a problème. Notre dernière rencontre avec le ministre remonte déjà à plusieurs mois. Ceci dit, même si le pouvoir refuse de tenir un dialogue sur les reformes, le dialogue avant les locales s’impose à lui. FIN

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