A bâtons rompus avec Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (Opposition)

Nathaniel Olympio, a pris provisoirement la tête du Parti des Togolais (Opposition) le 29 octobre dernier à l’issue d’un conseil national de ladite formation politique. Principale raison: Alberto Olympio (président ce parti, depuis sa création) – condamné à 5 ans de prison dans une affaire de +détournement+ s’est retiré pour faire face à la justice.

Dans une interview exclusive à l’Agence Savoir News, Nathaniel Olympio revient largement sur ce dossier. D’autres sujets sont également abordés.

Savoir News : Comment se porte Alberto Olympio ? Et où se trouve-t-il actuellement ?

Nathaniel Olympio : Alberto se porte très bien. Nous nous sommes vus il y a à peine quelques semaines. Alberto est un homme encore plus combatif aujourd’hui, qu’il ne l’était quand il est entré sur la scène politique togolaise. Il est actuellement à Dakar, mais je ne vous cache pas qu’il bouge beaucoup. Au moment où je vous parle, il est en Europe pour quelques jours dans le cadre de ses affaires, et aussi pour la défense de son dossier judiciaire.

Alberto a été condamné le 21 septembre dernier à 5 ans de prison ferme, accusé par le PDG de Cauris Management d’avoir détourné 6 milliards de F.CFA. Un mandat d’arrêt international a été décerné contre lui. Quand rentrera-t-il à Lomé pour faire face à la justice?

Il est déjà en train de faire face aux autorités judiciaires togolaises. Ces autorités le savent. Ceux qui parlent de rentrer au Togo pour « faire face à la Justice » commettent un écart de langage. Il n’y a pas de Justice digne de ce nom dans un pays qui ne dit pas le droit. Ce n’est pas Alberto qui le dit. C’est la longue liste des victimes de notre système judiciaire qui en témoigne. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de rentrer à Lomé pour tomber dans un guet-apens, ou jouer le rôle d’une nouvelle victime de l’opposition.

C’est ce qui affaiblit la lutte pendant des décennies. L’Afrique pour se libérer n’a pas besoin de leaders victimes, mais de gens qui vont déjouer les pièges d’un système mafieux et corrompu pour qu’émerge le droit, la justice et la liberté des peuples. Alberto est méthodique et pragmatique, surtout quand il sait que les règles sont violées.

Concernant Alberto, dès le début, il a fait face au juge d’instruction. Lors de la première audition, ce dernier lui a montré un mandat de dépôt qui était signé avant même que l’on ne lui ait posé la moindre question. Pour autant, il est revenu aux deux convocations qui ont suivi, en apportant tous les éléments de preuve. Il a laissé l’instruction se faire. Instruction qui a conduit à un non-lieu prononcé par le parquet. Ce n’est qu’au moment où des infractions graves frappant de nullité la procédure ont été commises par des hauts magistrats en charge de dire le droit dans ce dossier, qu’il a compris que dès le départ, les dés étaient pipés. A sa place que feriez-vous?

Je connais Alberto depuis des années, c’est mon frère. Si je peux vous le décrire en deux mots, je dirai qu’il est pragmatique, et qu’il perd rarement face à un défi, ou face à l’adversité. Cette procédure, il la mène pour la gagner. Pour cela, tout comme ce fut le cas lors des précédentes élections, il posera le préalable de la transparence et de la Justice. Si la justice togolaise refuse de dire le droit, alors il ira avec la justice togolaise devant une juridiction où ses droits seront préservés. C’est de cela qu’il s’agit.

Il avait peur?

Non. Quand il fut convoqué pour la première fois il était en dehors du Pays. Il est rentré pour faire face au Juge. Il est reparti à Dakar chercher les éléments de preuve demandés, et il est revenu encore au Togo. Alberto n’a pas peur, je pense qu’il cherche à être plus malin que ceux qui veulent le couler, et pour le moment il s’en sort assez bien.

Le parti fonctionne, nos activités vont redoubler d’intensité et il compte continuer à faire valoir ses idées pour que la lutte que nous menons avance, et que nos populations retrouvent espoir.

Quel intérêt pour ces magistrats de chercher à le noyer ?

La question est ailleurs. Ce que je pense et qu’Alberto a dit dans son premier ouvrage «Je prends le parti des Togolais », c’est que la Justice Togolaise est aux ordres et sous la coupelle du pouvoir dominant. Ceci l’empêche de fonctionner correctement, comme la plupart de nos institutions. A bien y regarder, dans ce dossier la justice au préalable a fait correctement son travail d’enquête.

Le 5ème substitut du procureur, après une instruction de près d’un an, a rendu ses conclusions : non lieu définitif au vu d’accusations non fondées et ne tenant pas face aux preuves apportées par la défense.

Le vrai problème, c’est qu’au plus haut lieu du parquet et de la chambre d’instructions, deux magistrats se sont entendus pour sortir totalement la procédure en cours du cadre légal, et enfreindre la loi, en subtilisant subrepticement un document de l’instruction et en le remplaçant par un autre anti-daté. C’est du faux et usage de faux.

Je fais cette précision parce que je ne souhaite pas jeter l’opprobre sur les fonctionnaires de la justice qui font correctement leur travail.
Malheureusement, c’est l’adage qui dit que  » Le poisson pourrit par la tête » qui est vérifié ici.

En deux ou trois phrases, quelle analyse faites-vous de ce dossier ?

L’analyse est simple. Au début, Alberto avait situé tout le monde en précisant qu’il s’agit d’une affaire purement commerciale. Il n’avait pas voulu se présenter comme une victime politique.

Nous n’avons pris en compte la dimension politique de ce dossier, que lorsque les magistrats se sont comportés de cette manière ahurissante. Des magistrats ne peuvent pas se permettre le luxe de poser de tels actes, s’ils n’ont pas derrière, des intentions malsaines. Et il se trouve qu’Alberto est un homme politique. Donc, on peut s’interroger.

Est-ce que politiquement, Alberto pèse vraiment pour faire peur au pouvoir en place ?

Parce qu’il reprend dans son programme les fondamentaux des luttes citoyennes. Beaucoup pensent au Togo que c’est le pouvoir de mobilisation qui fait trembler le régime. Ils se trompent.

Ce qui fait peur à certains au Togo, c’est la force des convictions et les personnes qui ne pourront être achetées ni détournées. Sur ce critère, Alberto remplit totalement les conditions pour être inquiétant.

Et comment expliquez-vous la disparition du document dont vous parlez?

Nous avons fait un constat. Les acteurs sont identifiés et Alberto a porté plainte. Cette plainte est rangée dans les tiroirs depuis plusieurs mois. Ce sont ceux qui sont garants de l’inviolabilité d’un dossier d’instruction qui doivent s’expliquer. A ce jour, malgré la plainte déposée par mon frère, aucune enquête n’a été diligentée à notre connaissance. Le dossier a juste été rangé dans un tiroir. Le ministre de la Justice en personne a été interpellé par le Conseil d’Alberto. Qu’a-t-il fait ? Strictement rien, à notre connaissance.

Le 29 octobre, vous avez été provisoirement porté à la tête du parti, M.Alberto Olympio ayant décidé de se retirer pour faire face à la justice. Le Parti des Togolais est une « affaire de famille »?

Ceux qui disent cela, n’ont certainement aucune connaissance de notre parti, de nos organes et surtout de nos délégués. Avez-vous pris la peine de connaître le nom des personnes dans le cabinet? de nos cadres ? Connaissez vous le nombre de nos délégués et combien parmi eux portent le nom Olympio? Absolument pas. Ce que je pense, c’est que ceux qui disent cela, n’ont rien trouvé d’autre à attaquer chez nous que notre Patronyme… et cela, c’est un signe encourageant. Nous sommes en train de faire du bon travail.

C’est-à-dire ?

Quand on se met à s’exprimer en termes de patronyme pour des gens qui s’engagent en politique, c’est que le débat devient un débat de personne et non d’idées. Ceci, quand c’est entretenu, peut devenir dangereux pour la cohésion d’un pays. C’est la raison pour laquelle au Parti des Togolais, nous ne nous en prenons pas au patronyme Gnassingbé.

Notre problème ne concerne pas un patronyme mais une forme injuste d’exercice du pouvoir. Ce que nous avons toujours dénoncé, c’est la manière dont le fils a pris la place du père, mais ce n’est pas le fait qu’il soit son fils. Un Olympio aurait commis l’innommable en 2005 comme l’actuel chef de l’Etat, nous l’aurions combattu avec la même virulence.

Vous êtes aujourd’hui à la tête du Parti. Une lourde charge pour vous ?

Non, et je vais vous dire pourquoi. Le parti des Togolais depuis sa naissance a fonctionné de manière très organisée. Je dirai même que nous avons fonctionné comme une entreprise. Plus d’un an, qu’Alberto n’est pas là, mais la structure continue de fonctionner normalement.

Ce qu’il faut noter et qui est la grande leçon à tirer de ce changement à la tête du Parti des Togolais, c’est la décision prise par Alberto. Cette décision – qu’on le veuille ou pas – fera date.

Mais pourquoi ?

Cette décision fera date parce-que la culture politique togolaise, ne nous a pas habitué à voir des politiques ayant la décence de se retirer pour blanchir leur nom. La mode est souvent à s’accrocher au pouvoir et à ne pas se justifier de ses actes. Si nous prônons un changement, il doit commencer par nous, par nos méthodes. C’est le message lancé par Alberto à travers ce geste.

Quelles seront vos priorités à la tête de ce parti ?

Pas mes priorités, mais les priorités que nous avons déjà définies depuis l’élaboration de la feuille de route du parti en janvier 2016. Nous allons poursuivre les formations et les sensibilisations à l’endroit de nos militants dans leur prise de conscience et dans leur engagement pour la lutte citoyenne et politique.

Nous allons relancer avec plus de force, nos actions sur la question du fichier électoral. Il nous a été également demandé d’être beaucoup plus présents à l’intérieur du pays. Nous mènerons aussi une action beaucoup plus accrue avec les autres partis de l’opposition.

Effectivement, peu après votre élection, vous avez déclaré : « Nous allons nous rapprocher beaucoup plus des autres partis de l’opposition ». Que voulez-vous dire ?

Le bon sens recommande à ceux qui poursuivent les mêmes objectifs de se parler. C’est pour cela que nous renforçons le dialogue avec les partis qui partagent les mêmes priorités que nous, aussi bien au niveau des réformes, que de la transparence des élections, et de la nécessaire question de l’audit du fichier électoral.

Vous irez vers CAP 2015 ?

Si CAP 2015 partage les mêmes priorités que nous, et se refuse à l’avenir à tout consensus autour de la question de la transparence électorale en dépit de la non fiabilité du fichier, bien sûr que nous joindrons nos forces pour le bien du pays.

Avez-vous l’intention de rejoindre un jour ce regroupement ?

Non. Non. Nous n’avons pas reçu mandat d’adhérer au CAP 2015. D’ailleurs, cette question n’a été jamais posée au sein de notre parti. L’essentiel pour nous d’abord, c’est de mutualiser les ressources et de créer une synergie, afin de renforcer la lutte. Ce qui manque à la lutte Togolaise, c’est la force et la détermination dans les convictions. C’est à cela qu’il faut travailler en priorité.

En deux phrases, quel regard jetez-vous sur l’opposition togolaise ?

L’opposition est en train de tirer les leçons de notre expérience commune de la présidentielle de 2015. Et je suis persuadé que plus aucun parti de l’opposition, ne se laissera entraîner dans une élection qui ne soit pas transparente et équitable. C’est la grande leçon que nous tirons de ce scrutin.

Que diriez-vous pour conclure cet entretien?

Nous avons un système rigide et je dirai même, très autoritaire. A cela s’ajoute l’extrême pauvreté, avec une démographie très dynamique. Quand vous liez ces différents facteurs, nous avons les ingrédients d’une implosion sociale. Si le gouvernement ne tient pas compte de ces facteurs à risque, inéluctablement, nous irons vers des situations difficiles. Ce qui ne sera pas bon, ni pour le Togo, ni pour la sous-région. FIN

Propos recueillis par Junior AUREL

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